Bonnes décisions pour l'avenir de L'Azawakh ???


Lors de la réunion du Comité directeur du SLAG de Brissarthe en 2002, la majorité des membres du Comité présents avait suggéré de proposer à la SCC d'utiliser des Sloughis sélectionnés (sur une morphologie proche de l'Azawakh !) dans un programme de retrempe avec l'Azawakh afin d'apporter du "sang neuf" à ce dernier (cf. PV publié dans la revue N°57 du 1er trimestre 2004).
Cette idée avait germé dans l'esprit d'un des membres du Comité suite à des problèmes de santé survenus dans une portée, soutenu par un juge qui ressassait depuis des années à qui voulait bien l'entendre, lors de ses jugements, que l'Azawakh n'était plus ce qu'il était et qu'il fallait corriger sa morphologie par des croisements avec le Sloughi. Si l'idée que la consanguinité croissante du cheptel français pouvait faire surgir des tares génétiques et des problèmes de santé s'était heureusement enfin insinuée dans les esprits, la solution de croisement de retrempe proposée alors était pour le moins surprenante et expéditive !
Je tiens à apporter ici quelques explications, appuyées par divers documents, car elles permettront de remettre en cause la légitimité des propositions faites alors par le Comité du SLAG ainsi que les décisions prises lors des dernières réunions de travail limitant le blanc, entre autres.

Le PV de la réunion du 20 juillet 2002 dit en substance : ''Mme Seigneur a reçu la réponse du Pr. Denis à son courrier…(document joint en annexes)''.
Nous étions plusieurs à ne pas avoir été informés d'un tel courrier envoyé par Mme Seigneur, et ne connaissons d'ailleurs toujours pas le contenu et les questions de ce courrier. La réponse du Pr. Denis sert de point de départ à un débat rapide ayant pour conclusion : ''que l'emploi du Sloughi pourrait être utile pour diversifier au maximum les origines, ce qui d'après le courrier du Pr. Denis, semble être la voie du succès''.

Or, dans son courrier, le Professeur Denis n'a donné cette solution qu'en dernier recours, de même qu'il l'explique dans son livre ''Génétique et sélection chez le Chien'', page 174 au sujet de la variabilité génétique : ' Certes, les éleveurs n'ont jamais hésités à recourir à ce que l'on appelle des "croisements de retrempe discrets" avec une autre race lorsque la nécessité s'en fait sentir, mais une telle mesure ne devrait logiquement être mis en œuvre qu'en dernière extrémité. On peut d'ailleurs considérer qu'y recourir concrétise un échec pour les éleveurs : une race qui n'est plus capable d'évoluer par ses propres moyens a été mal "gérée".''

En effet, les solutions que préconise le Pr. Denis dans son courrier sont chronologiquement les suivantes (voir courrier ) :

Le dernier paragraphe répond semble t'il à une question relative à l'étendue de blanc. Il répond que :

Là aussi le Pr. Denis s'explique dans son livre pages 174-175. Il explique dans le chapitre ''Les méthodes de gestion génétique'' :
La conception trop étroite de l'interprétation du standard, fait souhaiter que tous les chiens d'une race donnée soient des copies conformes l'un de l'autre : le moyen le plus sûr pour y parvenir est alors d'utiliser largement à la reproduction les champions, puis leurs descendants. Il y a tout un enseignement à dispenser : entre l'acquisition d'un corniaud et l'achat d'un animal hautement consanguin, issu d'un élevage aux caractéristiques précises, il doit y avoir la place pour l'individualité, c'est à dire le chien de race tout court.
Il aborde ensuite les mesures à prendre pour conserver une variabilité génétique intra-race suffisante, celles-ci différent quelque peu en fonction de l'importance du nombre de reproducteurs utilisés dans la race. Dans le cas de races à très faibles effectifs (quelques dizaines de têtes utilisées pour la reproduction) il conseille, entre-autre, de ne refuser à la confirmation que les animaux atteints de tares héréditaires et ceux qui s'éloignent beaucoup trop du standard.

Quelles sont les raisons pour lesquelles les premières solutions n'ont pas été envisagées sérieusement et pourquoi a-il été envisagé directement la solution du croisement de retrempe (décrite par le pr. Denis comme étant la solution de l'échec en élevage) ?

Les éleveurs et propriétaires d'Azawakhs et de Sloughis à l'étrangers, en parlent encore en évoquant le ''Gag du 2ème millénaire'' ! Le SLAG est, à ce moment là, la risée du monde de l'Azawakh...

La constatation est donc faites en 2002 de la nécessité d'élargir la base de sélection dans la race Azawakh. Le Pr. Denis, questionné, donne des méthodes qui ont fait leurs preuves, que j'ai reprises ci-dessus. La proposition de croisement de retrempe engendre un tollé dans le monde entier et le SLAG nie presque l'avoir envisagé.

Deux années s'écoulent, et de nouvelles mesures visant à ''préciser les limites d'extension du blanc afin d'éviter des positions trop restrictives ou au contraire trop laxistes qui sont nuisibles à l'Azawakh'' sont décidées, un texte de commentaires du standard concernant la robe est établi à l'intention des juges français et présenté à l'assemblée générale du 17 juillet 2004.

Le texte est le suivant :

Commentaires du standard de l'Azawakh n° 307 c.

Robe de l'Azawakh:

Au chapitre Couleur, le standard indique: " Fauve à panachure limitée aux extrémités. Toutes les nuances sont admises, du sable clair jusqu'au fauve foncé. La tête peut ou non porter un masque noir et la liste est très inconstante. La robe comporte un plastron blanc et un pinceau blanc au bout de la queue. Chacun des quatre membres comporte obligatoirement une balzane, au moins sous forme de trace sur le pied. Les bringeures noires sont admises."

Le standard ne fixe pas précisément les limites d'extension du blanc autorisées ce qui jusqu'à ce jour, relève de l'appréciation personnelle du juge.
Le but de ce commentaire est de préciser ces limites.

Membres antérieurs: Les balzanes étant souvent irrégulières, elles ne doivent en aucun cas remonter au delà des coudes et empiéter sur les épaules.

Membres postérieurs: Les balzanes sont souvent plus régulières et moins envahissantes. Elles ne doivent pas remonter au niveau de la cuisse. Des traces blanches peuvent toutefois apparaître à l'intérieur de celle-ci sans qu'elles puissent être considérées comme un défaut.
Plastron: Le blanc peut être présent sous forme de taches plus ou moins étendues et doit se limiter sous la base du cou. Il ne doit nullement devenir envahissant et remonter de chaque coté de celui-ci afin d'éviter l'apparition d'un début de collier.
Poitrine: Dans le prolongement du plastron, des taches blanches peuvent apparaître sous la poitrine. Elles ne doivent en aucun cas remonter le long des côtes.
Liste: Celle peut être présente et se limite le plus souvent au museau ("sur le chanfrein").
Défauts non éliminatoires:
-
Taches blanches inférieures à 5 cm sur le dessus du cou.
Défauts éliminatoires:
- Robe pie
- Envahissement du blanc sur le cou allant jusqu'au collier
- Blanc envahissant au delà des limites précisées précédemment.
- Enfin des bringeures autres que noires, des yeux de couleur autre que foncé ou ambré, une couleur de base autre que fauve, une nuance grizzle, n'étant pas mentionnés dans le standard, ne peuvent être acceptés.

Lors de sa réunion du 29/11/03 à Aubervilliers, le Comité a décidé d'accepter à titre expérimental des lévriers Azawakh qui ne possèderaient pas le minimum de blanc prévu par le standard, à la condition expresse qu'ils soient de morphologie parfaite, cela afin d'éviter de perdre un potentiel génétique qui pourrait être utile à la conservation de la race. Ces sujets ne pourront prétendre au mieux qu'au qualificatif TRÈS BON.

Concernant ces commentaires du standard, la Commission Zootechnique de la SCC n’a pas été favorable à la transmission de ces recommandations aux juges (voir copie de la « Cynophilie française – 3ème trimestre 2005), mais elles ont tout de même été envoyées à tous les juges ...

Alors qu'en 2002, il était urgent d'apporter du sang neuf et d'élargir la base de sélection de l'Azawakh, quitte à se servir de Sloughis, en 2004 il est urgent de la restreindre en incitant la création de clones d'Azawakhs déclinés en teintes sables à rouges à marques blanches limitées toutes identiques ! (Le discours depuis 2008 est qu'il est inutile d'importer d'autres lévriers du Sahel car suffisemment d'Azawakhs auraient été importés pour la variabilité de la race. Encore faudrait-il que les lévriers du sahel soient au moins utilisés à la reproduction en France !). Aucune de ces "mesures" n'a jamais été étayée d'étude ou d'enquète préliminaire. Juste des idées, comme ça !

Cette décision, prise par une petite poignée de personnes, ne tient absolument pas compte de la majorité des amateurs de la race à travers le monde qui avait souligné en 2002 (voir réactions internationales) la nécessité d'ouvrir le standard à la réalité des couleurs présentes depuis toujours dans son aire d'origine (cf. Thèse de Doctorat Vétérinaire du Dr Roussel de 1975, 14 années d'observation d'ABIS - 1990 à 2004, et 2007 (diaporama), études privées comme celle de Strassner & Eiles 1989 et Ursula Arnold 1986-88, et d'autres…). Le thème est mis sur le tapis de façon récurrente depuis déjà plus de 25 ans, (puis abordé depuis 1986 sous forme de divers articles parus dans la revue "Vos Chien" notamment - voir cet article), depuis les houleux débats ayant fini par faire reconnaître la bringeure. Et toujours rien ! Rappelons que la raison principale du refus de la bringeure, à l'époque, était qu'elle dénotait soi-disant, un croisement avec le Sloughi… Il existera toujours autant de raisons différentes pour refuser la réalité que de goûts personnels différents. Et jusqu'où n'irait-on pas! Récemment, les extrémistes en matière de panachures blanches tentaient d'orienter les réponses posées à des spécialistes afin d'obtenir des réponses apportant de l'eau à leur moulin, notament en mettant en avant des justifications de santé contre l'étendue de blanc en évoquant des problèmes de surdité. Ceci peut survenir effectivement, mais dans de rares cas sur des chiens uniformément blancs ou presque. De nombreuses races de chiens et de lévriers (Barzoi, Chart Polski, Galgo, Greyhound, Magyar Agar, Saluki, Whippet) acceptent les couleurs à panachures blanches envahissantes ou pies sans que l'on entende parler particulièrement de surdité.
Cette décision ne tient pas compte non plus des mesures préconisées, sur leur demande, par le Pr. Denis qui est un des spécialistes à la SCC.
Où seront tous les mâles qui naissent qui devraient être utilisés comme reproducteurs? Une bonne partie sera retournée à l'état de poussière avant d'avoir eu le temps de grandir pour avoir été mal blanchis par la nature et leurs gènes…

En effet, ces mesures restrictives de couleur vont forcément influer sur les éleveurs, qui ayant déjà suffisamment de difficultés à bien placer leurs chiots, vont supprimer d'office tous les chiots dont la couleur ou l'étendue de blanc risquerait d'empêcher de se faire plaisir en exposition, voire de refuser la confirmation et de servir de reproducteur. Dommage pour ceux qui auraient eu une conformation irréprochable ou qui apporteraient une grande variabilité génétique à la race, ils seront sacrifiés sur l'autel de la sélection raciste … Je mets au défit quiconque de déterminer chez un chiot âgé de quelques heures à qui il manque du blanc à un pied s'il sera de morphologie parfaite pour obtenir son qualificatif "Très Bon".

Tout comme, il y a quelques années, un éleveur débutant qui supprimait tous ses chiots noirs à la naissance pour cause de couleur absente au standard (ceux-ci n'étaient en fait que des futurs rouges acajou), les éleveurs inexpérimentés, et même d'autres, supprimeront des chiots dont l'étendue pigmentée aurait par la suite recouvert certaines plages blanches 'illicites' les premiers mois de vie. C'est souvent le cas des listes larges à la naissance qui subsistent sous forme de petite tache ou de triangle à l'âge adulte (voir document en annexe). Comment savoir précisément sur un chiot à la naissance où s'arrêtera le blanc à l'âge adulte? Il en est de même des fameuses taches blanches inférieures à 5 cm sur le cou qui sont souvent démesurées ou en forme de grande demi-lune ou losange à la naissance (qui me paraissent d'ailleurs parfaitement correspondre à une ébauche de collier ou demi-collier, soit dit en passant). Pourquoi ne pas obliger aussi à nouveau les ongles noirs obligatoires d'il y a 20 ans?

Entre parenthèses, à l'heure où l'application imminente de la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie interdira l'élevage des animaux hyper typés pour leur bien-être et leur santé et réglementera strictement les politiques d'élevage (voir "La cynophilie menacée" revue Vos Chiens de juillet-août 2004), il est grandement temps de donner à nos Azawakhs la variabilité génétique nécessaire à leur survie qui ne peut être espérée lorsqu'elle est basée sur 9 ou 10 géniteurs uniques.
Dans le même article, voici l'avis du Pr. Denis, directeur de l'Unité d'Enseignement d'Ethnozoothechnie à l'ENV de Nantes:
L'Hyper type est un manque de type. La meilleure réponse à cette convention est de faire des chiens de race en bonne santé, qui se reproduisent naturellement et ont une longévité normale; on paie une sélection trop axée sur la beauté. Les scientifiques tirent la sonnette d'alarme depuis longtemps en essayant d'alerter les cynophiles.
Et l'avis de Raymond Triquet, membre de la commission Zootechnique de la SCC, de la commission des Standards de la FCI:
Deux attitudes sont néfastes: l'immobilisme, et les retrempes avec d'autre races; cette dernière idée est rejetée par tout le monde (ndlr: ah oui?)... C'est ce qui menace la cynophilie si elle ne réagit pas : la création de races "bis" . La seule solution acceptable est d'améliorer une race par sélection des sujets les plus sains. Pour cela, il faut éviter l'homogénéité; contrairement à ce que croient beaucoup d'éleveurs, l'homogénéité qui conduit à l'homozygotie, n'est pas souhaitable dans une race.

Lorsque l'on demande à l'amateur européen d'Azawakh quelle est la couleur qu'il préfère, il répondra presque invariablement: rouge acajou avec chaussettes blanches. (Si l'on demande au nomade propriétaire de lévrier de la vallée de l'Azawakh au Sahel quelle est la couleur préférée pour l'Iddi (le nom donné au lévrier au Sahel) il donne invariablement celle de son lévrier, peu importe la couleur). La robe pie n'est pas une menace et ne sera jamais particulièrement prisée et par conséquent ne servira jamais de base de sélection dans la race. Par contre, la grande erreur c'est qu'elle serve de prétexte à une "chasse au blanc" en mettant des limites à l'étendue de blanc accepté, et ce au péril de la race. Si rien n'est fait pour ouvrir les esprits, et le standard, l'Azawakh revivra l'époque qu'il a connu il y a 30 ans alors qu'il était assimilé au Sloughi, et où les sujets comportant trop de blanc étaient tous supprimés et certains reproducteurs, comme Darkoy Sidi, interdits de reproduction (seulement...). Il avait fallu plusieurs générations pour retrouver des portées entières avec suffisamment de blanc. Tout un potentiel génétique de la race risque de disparaître, et sa santé sera plus que jamais menacée. L'Azawakh risque de finir sous forme d'un exemplaire naturalisé parmi les races canines éteintes dans un muséum d'histoires naturelles..

Un juge m'a soufflé : Maintenant que nous pouvions enfin apprécier les résultats du travail des éleveurs ILS vont tout foutre en l'air…

Corine Lundqvist

Bibliographie

Thèse de Doctorat Vétérinaire du Dr Roussel
Divers Articles parus dans la Revue Vos Chiens
Der Azawakh Windhund der Nomaden (Strassner et Eiles)
Afrikanische Impressionen
Prises de positions internationales
Association ABIS
Génétique et couleur chez l'Azawakh
Lettre du Pr Denis 02 juillet 2002

 


 



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Dernière modification 20 Juin, 2009 12:11