Appauvrissement génétique
de l'Azawakh?
Elisabeth Naumann - 2003
En été 2002, quelques membres du comité directeur du SLAG français avaient proposé d'améliorer la base reproductrice des Azawakhs par une retrempe ciblée avec des Sloughis. Le potentiel génétique de l'Azawakh en Europe serait trop restreint. Cette crainte est-elle justifiée? Pour quelles raisons? Qu'est-il possible d'entreprendre? Avant de répondre à ces questions, j'évoquerais les bases pertinentes de la génétique biologique sous la forme la plus simple.
La base: La cellule
La cellule se compose de l'enveloppe et du noyau. Celui-ci est le porteur du matériel génétique. Il contient des filaments centraux ou les chromosomes qui existent toujours par paires. Le chien possède donc 78 chromosomes, 39 couples. Le matériel de transmission (DNS) est organisé sous forme de sections. Ils sont désignés comme des microsatellites et sont des marqueurs génétiques. Chez le chien, il y a jusqu'à 50.000 microsatellites. Chaque microsatellite se tient à une place bien précise sur un chromosome et est différent d'un chien à l'autre. Plus deux chiens sont étroitement apparentés, plus leurs microsatellites sont semblables.
Les gènes en tant que responsables de la transmission héréditaire
Illustration 1 ( Schwegler, anatomie et physiologie, 1998)
Règles de la transmission génétique
L'action des
facteurs génétiques induit les possibilités suivantes:
a) un gène influence une seule caractéristique,
b) un gène influence plusieurs caractéristiques,
c) plusieurs gènes influencent ensemble l'apparition d'une caractéristique,
on parle de transmission polygénique, de Polygénie ou de transmission
multifactorielle.
Pour de nombreuses caractèristiques un seul gène spécifique n'est pas responsable; plusieurs gènes différents agissent ensembles. De tels transmissions polygéniques existent pour presque toutes les qualités et caractéristiques quantitatives. Ces dernières sont par exemple la taille, le poids, l'angulation arrière, les qualités de performance ou de tempéremment. Les caractéristiques qualitatives sont le poil ou la robe.
Certains gènes actifs ne se font remarquer que lorsqu'ils apparaissent dans une minorité d'animaux. De tels effets apparaissent aussi au niveau des tares génétiques. Certaines tares sont des modifications (mutations) de gènes sains qui se transmettent généralement de façon récessive. Elles se transmettent souvent sur des générations dans l'obscurité. Ce n'est que lors de la réunion de deux de ces gènes mutants que l'on peut voir surgir de manière perceptible ceux-ci dans le phénotype.
L'Héritabilité
est l'influençabilité du phénotype par le génotype.
Elle peut varier de 0 à 100 pour cent. Une qualité est rarement
transmissible à 100 pour cent (cf. Claude Gaillard, Notre chien de
race, décembre 2002).
Caractéristique |
Héritabilité
en % |
Héritabilité |
Biologiques |
|
|
Fécondité |
10-15
% |
basse |
Taille
des portées |
10-20
% |
basse |
Qualité
de la semence |
15 % |
basse |
Morphologiques |
|
|
Qualités
morphologiques |
30-65
% |
moyenne
à élevée |
Hauteur
au garrot |
40-65
% |
élevée |
Longueur
du corps |
40 % |
moyenne |
Hauteur
de la poitrine |
50 % |
élevée |
Longueur
de l'encolure |
50 % |
élevée |
Comportementales |
|
|
Aptitudes
à la chasse |
10-30
% |
basse
à moyenne |
Tempérament |
30-50
% |
Moyenne
à élevée |
Nervosité |
50 % |
élevée |
Crainte |
45-60
% |
élevée |
Peur
des coups de fusils |
60-70
% |
Très
élevée |
Pistage |
46 % |
élevée |
Odorat |
39 % |
moyenne |
Garde |
10 % |
basse |
Comportement
en général |
27-44
% |
moyenne |
Illustration 2 (: Hansen, Hérédité chez le chien, 2001)
La consanguinité est un moyen visant à obtenir des caractéristiques ou qualités souhaitées ou au contraire à éliminer des caractéristiques et qualités indésirables. La règle de base simple, selon toute apparence, de l'élevage est que seuls les sujets qui correspondent les plus dans leurs caractéristiques et qualités à l'objectif d'élevage sont utilisés comme reproducteurs - la question qui reste naturellement ouverte, est s'il existe un progrès d'élevage, c.-à-d. si un programme d'élevage choisi a réellemnt un sens.
D'habitude, on peut recourir en élevage à un large choix de sujets reproducteurs non apparentés, lorsque des défauts apparaissent avec une sélection homozygote et doivent être corrigés. Cette possibilité est fort réduite lorsqu'on a à faire avec une population numériquement limitée comme chez l'Azawakhs. Car la sélection signifie toujours une modification de fréquence génétique et/ou des pertes génétiques, c.-à-d. qu'avec une sélection ciblée et toujours réitérée la fréquence de l'apparition de certains gènes dans la population reproductrice totale change.Pour l'estimation des pertes génétiques, l'évaluation d'un reproducteur, au moyen de son coefficient de consanguinité et de son coefficient de perte génétique, joue un rôle utile.
Le coefficient
de consanguinité d'un chien indique, combien l'Hétérozygotie
a perdu et l'Homozygotie a gagné en pourcentage par rapport à
la moyenne de la race.
La formule de Wright pour le calcul du coefficient de consanguinité
(IK) est:
IK=(1/2)n1+n2+1
Les coefficients
de perte génétique (AVK) (formule du Prof. Schlegel, université
Vienne) est le quotient du nombre d'ancêtres uniques et du nombre total
des ancêtres.
Un exemple chiffré: admettons que sur trois générations
connues, parmi les 14 ancêtres n'apparaîssent que 8 individus
différents, le quotient sera 8:14=0,55 c.-à-d. une perte génétique
de 55 pour cent. Un AVK de 60 signifie par exemple que l'Hétérozygotie
a diminué de 40 pour cent.
En ce qui concerne la question d'entrée "appauvrissement génétique de l'Azawakh?" j'ai analysé la population européenne (environ 900 sujets de la période de 1977 à 2001) concernant l'IK et l'AVK. Pour obtenir des valeurs moyennes annuelles, toutes les valeurs IK et AVK des sujets documentées ont été calculées , ces valeurs ont été ajoutées respectivement et divisées par le nombre des entrées.
Le résultat
pour la population d'Azawakhs en France montre la diminution constante de
l'AVK jusqu'en dessous de la valeur de tolérance génétique
de 70 pour cent à la fin des années quatre-vingt-dix. Le coefficient
de consanguinité augmente proportionnellement au-dessus du seuil critique
de 20 pour cent. Cela donne un "effet de col de bouteille" de l'éventail
génétique initial des Azawakhs importés d'Afrique coloniale
à un rétrécissement dramatique qui n'est plus corrigible
avec le potentiel génétique du cheptel reproducteur français
actuel.
L'élevage Allemand a atteint dans les années soixante-dix un
stade qui a plus ou moins correspondu à l'état actuel de la
population française. Par l'apport d'Azawakhs en provenance de France
et surtout depuis le recours à des importations d'Afrique depuis les
années quatre-vingt-dix, l'élevage en général
en Allemagne retrouve des valeurs croissantes et sures. Certains élevages
et lignées particulières peuvent dévier naturellement
plus ou moins fortement de cette moyenne statistique (cf. illustrations 6
8).
Répartition IK et AVK de l'élevage français:
Fig. 4
L'Homozygotie est utilisée en élevage d'animaux de compagnie comme moyen d'amélioration des races. La consanguinité vise à produire des chiens au potentiel génétique homozygote. Plus IK est élevé, plus grande est la probabilité que les descendants soient homozygotes pour certains gènes. Il reste que l'on peut se demander quels gènes deviennent homozygotes lors de ces acouplements, seuls les gènes souhaités ou aussi les indésirables. Chez une population d'élevage déjà faible et restreinte génétiquement cela peut conduire à l'effondrement d'une race.
Les tares héréditaires sont habituellement déterminées par des gènes récessifs transmis généralement de façon polygénique. La plupart des qualités ou caractéristiques indésirables qui apparaissent au cours de sélections homozygotes en ligne (linebreeding), sont des tares héréditaires. Seuls les descendants de reproducteurs qui possèdent le gène récessif de la tare de façon homozygote afficheront ce phénotype. Ainsi, il est possible qu'une certaine caractéristique souhaitée qui devait être fixée par consanguinité, soit couplée avec une autre caractéristique indésirable. Ou bien les gènes que l'on veut voir disparaître par consanguinité sont couplés avec une autre caractéristique particulièrement recherchée. Au sein de petits élevages des conséquences positives et négatives apparaissent déjà à court terme avec la consanguinité.
Lors de la reconstruction d'une population reproductrice, la consanguinité peut renforcer relativement rapidement des caractéristiques raciales définies par les éleveurs ou les fédérations (souvent tout à fait arbitrairement). En augmentant la consanguinité apparaissent alors certains problèmes que l'on qualifie de dépression génétique.
Caractéristiques |
Conséquences |
Vitalité |
Diminution |
Longévité |
Réduction |
Résistance
aux maladies |
Diminution |
Aptitude
générale au travail |
Diminution |
Fécondité |
Diminution |
Prolificité |
Réduite |
Quantité
et qualité du sperme |
Diminution |
Morts
nés |
Augmentation |
Mortalité
des chiots |
Augmentation |
Croissance |
Diminution |
Anomalies |
Augmentation |
Maladies |
Augmentation |
Sensibilité
à l'environnement |
Augmentation |
Illustration 5 ( Hansen, Hérédité chez le chien ; 2001)
Les conséquences négatives de la consanguinité n'apparaissent pas immédiatement ou toutes ensemble. Certaines lignées semblent tolérer un degré de consanguinité plus élevé que d'autres, avant que des effets négatifs ne se fassent sentir.
Même au sein d' une sélection en ligne étroite avec des IK et AVK relativement élevés, des tares génétiques peuvent rester cachées sur de longues périodes. Elles peuvent, par de heureux hasards génétiques, rester confinées et/ou ne concerner que certaines qualités physiques ou psychiques qui sont moins visibles ou sont acceptées tacitement par les éleveurs et les propriétaires. De cette façon même, naît le danger que des conséquences négatives sur l'aspect et le comportement soient, avec le temps, interprétées à tort par les juges et le public comme des caractéristiques naturelles et/ou générale de la race .
Par conséquent, l'éventail de la "philosophie d'éleveur" est étonnamment grande. Les IK- et les AVK- des portées de trois élevages d'Azawakhs peuvent servir d'exemple.
Répartition des IK- et AVK- d'un élevage pratiquant consanguinité et inceste:
Illustration 8
La consanguinité ne doit pas inéluctablement conduire à la catastrophe, d'autant moins si des acouplements hors consanguinité réalisés à temps, améliorent les IK et AVK. Les seuils de tolérance admis sont un IK: moins de 10 et un AVK: plus de 75. La consanguinité (large ou étroite) signifie toutefois, dans tout les cas, des pertes génétiques irrémédiables et le risque de modifications indésirables et/ou de maladies génétiques.
Je suppose que le club français était conscient de ces dangers (illustration 5). Alors, si le diagnostic est correct, la proposition de thérapie, la retrempe avec des Sloughis en guise d'élargissement génétique, aurait toutefois été erronée. Comme moyen de choix, s'offre, comme pratiqué entretemps avec succès dans l'élevage allemand (cf. par exemple illustration 7), le recours au potentiel génétique originel des Azawakhs disponible comme auparavant.Traduction Corine Lundqvist